dimanche 1 novembre 2020

Ermold le Noir

Eh bien, puisque nous voici de nouveau confinés, je me propose d'alimenter ce blog régulièrement pendant quelque temps. Rédiger des billets me fournira matière à une petite routine qui, je l'espère, m'évitera de devenir dingue. Enfin, plus dingue que je ne le suis déjà : je suis auteur de chansons de geste, après tout...

Ces derniers temps, je lis l'oeuvre d'Ermold le Noir, un clerc de l'époque carolingienne qui vécut sous le règne de Louis le Pieux, le fils de Charlemagne, et lui consacra un poème. Il s'agit d'une oeuvre de langue latine, composée sur le modèle des épopées classiques, où Ermold, par pure convention, agite comme des hochets tous les dieux traditionnels auxquels il ne croit pas : Jupiter tonne, Phébus épand ses brillants rayons sur le monde, et les Muses chantonnent en dormant. Rien d'inoubliable d'un point de vue littéraire. Mais le texte est intéressant, pour l'amateur de chansons de geste, parce que de nombreux passages y rappellent des scènes de nos épopées.

Prenons par exemple le rassemblement de son ost par Louis le Pieux, à Vannes, en 818, alors qu'il s'apprête à partir guerroyer en Bretagne :

"L'empereur y convoque les Francs, ainsi que les peuples sujets, et s'y rend lui-même. Les premiers arrivés sont les Francs proprement dits, ceux qui ont tout d'abord porté ce nom : rompus à la guerre, ils ont leurs armes toutes prêtes. D'au-delà du Rhin aux eaux blanches viennent des milliers de Suèves, par groupes de cent, puis les Saxons au large carquois et les troupes alliées de Thuringe. La Bourgogne envoie ses guerriers bigarrés et fournit son renfort aux Francs. Je renonce à citer tous les peuples et toutes les nations de l'Europe qui vinrent innombrables."

Ermold le Noir, Poème sur Louis le Pieux et épitres au roi Pépin, édités et traduits par Edmond Faral, Paris, Champion (Les classiques de l'histoire de France au Moyen Âge, 14), 1932.

Dans cette courte énumération, Ermold esquisse déjà cette France mouvante, extensible et rétractile, cette graduation dans la nationalité, que l'on retrouve dans les chansons de geste, comme je vous l'indiquais dans mon précédent billet. A grands traits, Ermold délimite trois ensemble : il y a les Francs au sens large, parmi lesquels se trouvent les Francs proprement dits, ceux qui ont tout d'abord porté ce nom, et puis il y a les peuples sujets.

Ermold le Noir n'est ni un grand écrivain, ni un grand historien, mais il a une grande qualité : être suffisamment concis dans ses écrits pour qu'y trouver les quelques pépites dignes d'attention ne coûte pas trop de temps ni d'effort. Je vous reparlerai de lui.

2 commentaires:

  1. Je mentirais en prétendant éprouver une grande passion pour la littérature médiévale, que je dois connaître à la manière de Kléber Haedens : superficiellement (j'ai lu les principales oeuvres, et traduites encore, c'est tout). J'ai pourtant toujours grand plaisir à lire vos articles érudits. Alors que le tyranneau nous assigne à résidence une fois de plus, vous donnerez à beaucoup l'occasion de s'évader et de s'élever : merci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Même si vous n'avez lu que la traduction des principaux textes, c'est déjà beaucoup plus que la plupart des gens.

      Supprimer