mardi 25 novembre 2014

Renouveler

"Il faut observer patiemment la manière des vieux maîtres, s’imprégner de leurs couleurs, de leur esprit, puis, procédant comme ils procédaient eux-mêmes à l’égard de conteurs plus anciens, modeler à nouveau la matière épique ou romanesque, élaguer, transposer, combiner, développer ou réduire ; et parfois renouveler, c’est créer."

Joseph Bédier, préface aux Romans de la table Ronde de Jacques Boulenger, 1922.

"S’étant ainsi bien pénétré de l’esprit du vieux conteur, s’étant assimilé sa façon naïve de sentir, sa façon simple de penser ; jusqu’à l’embarras parfois enfantin de son exposition et la grâce un peu gauche de son style, il a refait à ce tronc une tête et des membres, non pas par une juxtaposition mécanique, mais par une sorte de régénération organique, telle que nous la présentent ces animaux qui, mutilés, se complètent par leur force intime sur le plan de leur forme parfaite."

Gaston Paris, préface  au Tristan et Iseut de Joseph Bédier, 1900.

"Comme M. G. Paris l’a trop bienveillamment exposé, j’ai tâché d’éviter tout mélange de l’ancien et du moderne. Écarter les disparates, les anachronismes, le clinquant, vérifier sur soi-même le Vetusta scribenti nescio quo pacto antiquus fit animus, ne jamais mêler nos conceptions modernes aux antiques formes de penser et de sentir, tel a été mon dessein, mon effort, et sans doute, hélas ! ma chimère."

Joseph Bédier, introduction à Tristan et Iseut, 1900.

lundi 10 novembre 2014

Le cheval Bayard (2)

Revenons à nos moutons, ou plutôt au cheval Bayard. Je vous expliquais précédemment qu'alors que, dans la plus ancienne version de Renaut de Montauban, ses origines sont obscures, remanieurs et continuateurs s'étaient appliqués à éclaircir le mystère. Ainsi, dans Maugis d'Aigremont, oeuvre qui fait office de prologue composé a posteriori pour l'histoire des quatre frères, nous apprenons que Renaut tient Bayard de son cousin l'enchanteur Maugis, et la manière dont ce dernier s'est procuré le destrier merveilleux nous est révélée.

Nous allons nous pencher sur cet épisode, qui est un de ceux qu'à tort ou à raison les adeptes de la mythocritique (dit-on les mythocriticiens ?) ont l'habitude de scruter avec une insistance particulière, pour en tirer ces développements alambiqués qu'ils aiment tant. On peut les comprendre, tant il est vrai que ce passage du Maugis a des allures de mythe antique. Mais sans suivre ces messieurs dans leurs considérations pertinentes ou farfelues, je vais me borner à vous résumer ce passage.

Maugis est le fils du duc Beuves d'Aigremont. Enlevé à sa naissance, il a été élevé par la fée Oriande, dont il a appris les rudiments de la magie. Ayant parachevé sa formation à Tolède, c'est un enchanteur accompli doublé d'une fine lame.

Un beau jour, depuis les abords de l'Etna où l'a conduit Oriande, Maugis aperçoit l'île fumante de Bocan (c'est à dire Vulcano, une île volcanique située au Nord de la Sicile). Intrigué, il se renseigne au sujet de ce lieu et apprend de la fée qu'il s'agit de "la droite cheminee d'enfer". Mais cette île diabolique abrite aussi Bayard, le cheval fée, engendré par un dragon en un serpent femelle : il est enchaîné à quatre piliers de pierre, sous la garde des démons et plus particulièrement de l'un d'entre eux, le diable Roënel.

L'audacieux jeune homme décide de conquérir le cheval merveilleux. Pour se faire, il décide de se déguiser en diable, afin de tromper les gardiens. Il se confectionne un habit singulier, à partir d'"une pel d'ors locue" (une peau d'ours hérissée) à laquelle il ajoute d'étranges fioritures :

"Keues ot de gorpil environ atachiez,    (des queues de renards y furent attachées)
et de chascunne part ot .ii. cornes drechiez." (ainsi que deux cornes dressées de chaque côté)



Armé de son épée et d'un "croc de fer" (une arme d'hast dont l’extrémité est pourvue d'un crochet), Maugis prend la mer à bord d'une barque, et accoste à Bocan. Il parvient à duper Roënel, et le neutralise au moyen de ses enchantements. Mais il n'est pas tiré d'affaire : voici que le serpent qui a enfanté Bayard l'attaque. Notre héros a besoin de tout son courage et de toute son adresse aux armes pour affronter ce monstre aux pattes griffues, à la tête crêtée, dont la gueule vomie feu et flammes ! Il en triomphe enfin, en lui plongeant son croc de fer dans la gorge avant de lui arracher les entrailles. Reste à se charger du dragon, père de Bayard : Maugis s'en débarasse en l'ensorcelant.


Ayant vaincu tous les gardiens, Maugis n'a plus qu'à aller détacher Bayard. Le destrier s'effraie d'abord de la hideuse allure de l'enchanteur, mais Maugis se défait de son déguisement de diable et apparaît sous sa noble apparence de jeune chevalier. C'est peu dire que Bayard se laisse apprivoiser :

"Envers lui s'umelie et le prist a amer,       (il s'incline face à Maugis et se prend à l'aimer)
Devant lui s'agenouille et fait semblant d'ourer : (s'agenouille devant lui comme pour l'adorer)
Cë est senefiance qu'à lui se velt donner."   (en signe de son désir de se donner à lui)

Et Maugis de regagner sa barque, monté sur le fidèle destrier dont la loyauté à son égard ne se démentira jamais.

L'épisode est plaisant. Le trouvère qui le narre n'est ni un piètre conteur, ni un médiocre rimeur, et son récit se lit fort agréablement. Et pourtant, je regrette ce que Bayard y perd de son mystère. Il est permis de préférer, à la version des faits données par le Maugis d'Aigremont, celle du Renaut plus ancien, où le cheval surgissait de nulle part. Mais cette énigme était propice à la rêverie, et semblait faite exprès pour défier le rêveur d'y répondre. Peut-on blâmer un poète d'avoir relevé le gant ?

lundi 3 novembre 2014

Les réponses

Félicitations aux doctes participants ! Tous nos bons saints ont été identifiés, même si personne ne les a tous reconnus du premier coup. On peut dire que ce fut un travail collaboratif : bravo à tous !

Les bonnes réponses étaient donc :

Image 1 : Saint Jean l'Evangéliste


On le voit ici dans son attitude traditionnelle, en train d'écrire le saint livre. Auprès de lui, l'aigle, son symbole, lui tient obligeamment l'encrier. Dans le ciel se profile la Bête de l'Apocalypse, texte que l'on attribue à saint Jean.

Image 2 : Saint Hubert


Seigneur de haut rang, Hubert, à ce que rapporte la légende, était un enragé chasseur qui commit un jour le sacrilège d'aller chasser le Vendredi saint. L'âme convertie par sa rencontre avec un cerf miraculeux, portant le crucifix entre ses andouillers, il réforma ses moeurs et devint évêque de Tongres, comme l'annonce l'ange qui lui apporte l'étole.

Image 3 : Saint Michel


Le prince des milices célestes est représenté en armes, comme le veut ordinairement son iconographie.

Image 4 : Saint Nicolas


Evêque de Myre, Nicolas est représenté vêtu de ses habits sacerdotaux, en train d'accomplir son miracle le plus célèbre : la résurrection de trois écoliers, tués, découpés en morceaux et mis au saloir par un boucher. Ce miracle a beaucoup contribué à faire de saint Nicolas un protecteur des enfants, qui leur apporte des cadeaux le jour de sa fête... s'ils sont sages.

Image 5 : Saint Martin


Avant de devenir évêque de Tours, Martin était un officier de l'armée romaine. Il est donc représenté en chevalier, accomplissant un acte de charité très fameux : il partage son manteau pour en offrir la moitié à un mendiant dévêtu.

Image 6 : Saint Denis




L'évêque de Paris, si souvent invoqué dans les chansons de geste, est représenté soutenu par deux anges, portant sa tête après sa décollation à la Montjoie. Derrière lui, les cadavres de ses compagnons Rustique et Eleuthère, et la plaine Saint-Denis. On remarquera les fleurs de lys qu'arbore le saint, patron par excellence de la France et de sa maison royale.

samedi 1 novembre 2014

Un petit jeu pour la Toussaint

Et ceux-là, saurez-vous les identifier ?

Image 1 :


Image 2 :


Image 3 :


Image 4 :


Image 5 :


Image 6 :