"Les Francs sont régis, dans une foule de lieux, par deux lois très-différentes. Charles s'était aperçu de ce qui y manquait. Après donc que le titre d'empereur lui eut été donné, il s'occupa d'ajouter à ces lois, de les faire accorder dans les points où elles différaient, de corriger leurs vices et leurs funestes extensions. Il ne fit cependant, à cet égard, qu'augmenter ces lois d'un petit nombre de capitulaires qui demeurèrent imparfaits. Mais toutes les nations soumises à son pouvoir n'avaient point eu jusqu'alors de lois écrites il ordonna d'écrire leurs coutumes, et de les consigner sur des registres.
Il en fit de même pour les poèmes barbares et très-anciens qui chantaient les actions et les guerres des anciens rois, et de cette manière les conserva à la postérité. Une grammaire de la langue nationale fut aussi commencée par ses soins. Les mois avaient eu jusqu'à lui chez les Francs, des noms moitié latins et moitié barbares ; Charles leur en donna de nationaux. Précédemment encore à peine pouvait-on désigner quatre vents par des mots différents : il en distingua douze qui avaient chacun son nom propre. C'est ainsi qu'il appela janvier wintermanoht, février hormunc, mars lenzinmanoht, avril ostermanoht, mai winnemanoht, juin prahmanoht, juillet hewimanoht, août aranmanoht, septembre wintumanoht, octobre windummemanoht, novembre herbistmanoht, décembre helmanoht.
Quant aux vents, il nomma celui d'est ostroniwint, l'eurus ostsundroni, le vent de sud-est sundostroni, celui du midi sundroni, l'auster africain sundwestroni, l'africain westsundroni, le zéphire westroni, le vent de nord-ouest westnordroni, la bise nordwestroni, le vent de nord nordroni, l'aquilon nordostroni, et le Vulturne ostnordroni."
Collection des mémoires relatifs à l'Histoire de France, "Vie de Charlemagne, par Eginhard", M. Guizot, Paris, 1824
J'ai toujours vu là une forme de justice poétique : un roi qui a eu le souci, exceptionnel à son époque, de faire recueillir les épopées en langue vulgaire de son peuple, est devenu lui-même héros d'épopées pour la postérité. Cependant, les chants que Charlemagne a fait recueillir ne peuvent pas avoir été des chansons de geste à proprement parler. Ils ne nous sont pas parvenus, mais l'on a des raisons de penser que leur matière devait se rapporter au cycle germanique de Dietrich von Bern et des Nibelungen.
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