samedi 31 août 2013

Boiardo, le fantaisiste

Lorsque j'ai entrepris de vous parler de la fortune rencontrée en Italie par nos épopées, mon but avoué était de finir par nous ramener en France, l'aventure italienne n'étant qu'un détour nécessaire à la compréhension de ce qu'a été l'histoire de notre matière après le Moyen Âge. Je n'ai jamais perdu cet objectif de vue, mais, force m'est de l'avouer, on ne peut pas dire que j'y vole promptement. Le sujet est vaste, le trajet sinueux, et ma capacité à garder de la suite dans les idées limitée. Essayons tout de même de reprendre notre fil.

"Ce n'était pas un railleur que l'auteur de l'Orlando Innamorato ; mais un fantaisiste, un dilettante, nous allions presque dire un romantique. Bojardo, en homme d'esprit, avait compris qu'on ne pouvait pas encore se passer en Italie des héros français et qu'il n'y avait encore en son pays, ni dans le monde entier, de figures aussi universellement, aussi puissamment populaires. 

Au reste que lui importait le cadre ? Un siège de Paris par les païens, c'était bien vulgaire assurément, et Roland lui-même était un héros dont on avait étrangement abusé. Mais est-ce qu'un peintre habile n'est pas de taille à rajeunir un vieux sujet ? Est-ce qu'il ne lui est pas permis d'imaginer un épisode nouveau et de se servir d'autres couleurs que ses devanciers ? Est-ce qu'il n'y a pas enfin l'éternelle variété des caractères, des passions, des âmes ?

Sans doute, Bojardo n'a pas de profondeur, mais il a de l'éclat, de la verve, et surtout une féconde, une inépuisable imagination. Nul n'en a mieux parlé que G. Paris, qui lui a consacré une des plus belles pages de son Histoire poétique de Charlemagne

"L'auteur de l'Orlando Innamorato, dit-il, ajoute à sa matière un élément nouveau, l'amour : non pas l'amour chaste et presque austère de Roland pour Aude, mais l'amour romanesque, chevaleresque et galant né dans les contes de la Table Ronde. A cela s'ajoutent la pompe, les fêtes, les brillants tournois. La surprise, provoquée par des enchantements perpétuels, des coups d'épée extravagants, des aventures du fantastique le plus libre, remplace le sérieux intérêt de la lutte entre païens et chrétiens ; tout un monde impossible, vrai rêve d'une cour italienne du XVIème siècle, se dresse devant l'esprit qu'il éblouit de ses prestiges, mais pour s'évanouir, sans y laisser de traces. Comme poète épique, Bojardo ne peut être pris au sérieux, surtout par nous qui mesurons la distance entre son échafaudage de théâtre et les vieux monuments de la grande tradition populaire. Sa grande gloire est d'avoir préparé l'Arioste."

Léon Gautier, Les Epopées françaises, 1894.

4 commentaires:

  1. Réponses
    1. Je ne saurais dire si son patronyme s'explique par des ancêtres slaves.

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  2. A moins qu'il ne soit l'ancêtre de tous les Slaves...
    ou l'inventeur des cigarettes au papier maïs que je fumais jadis, avant que les fascistes sanitaires ne les fassent disparaître.

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